Epistre du coq a lasne ou autre épistre du coq a la coquette (ms. Grenet)
Source : Soissons ms. 203 / Datation : derniers jours de l’année 1542.
Ma seur coquette au bruict qui court
L’on est bien aise à vostre court
Chacun y font à l’adventaige
Sans regarder au parentaige
Comme en la rue sainct Anthoine
Plus ne voy abbé qui soit moyne
Et peu d’evesques gens de bien
Aussi le pape ne vault rien
Qui debvoit estre leur exemple
Pensez quel bien perdu au temple
Et à tous ses beaulx chevaliers
Qui putains tiennent à milliers
Et autre bien ne vueillent faire
N’ayder d’un solz au pauvre frere
En eulx n’est point de charité
Les prescheurs de la verité
Qui sont ilz ? L’un mesdict de l’autre
Scavoir quasi sa patenostre
Sans tant empescher sa cervelle
C’est notre doctrine nouvelle
Jouer basler masquer bien boyre
Abbatre boys, en dieu ne croyre
Prendre par tout rendre en nul lieu
De pied en cap decoupper dieu
Autant de putains que de platz
C’est le vray train de noz prelatz
Qui tiennent le lieu de dieu en terre
Ceste gente abbesse qui erre
Qui mene nonnains de livrée
Est elle pas bien delivrée
Elle est femme d’entendement
De plaisir et de changement
Aussi dict l’université
Nature ayme diversité
Voilà pourquoy ces gros caffars
Ces cordeliers freres frapars
Changent souvent de monastaire
Dessoubz cest habit de saincte Claire [Le ms. M1016 comprend ici deux vers supplémentaires : ‘Cupido a souvant sa voix / Autant soubz celluy sainct Françoys'(f°72v°).]
Sainct Dominicque et sainct Partout
Au meilleu de tous on y fout
Et despesche l’on sur le champ
Tesmoing les dames de Long champ
On m’a dict que noz bons pasteurs
De tant plus ilz sont bons fouteurs
Ou que plus ilz ont adorez
Et harnachez ces cons dorez
Tant plus ilz ont de benefices
Les mittres deppendent des cuisses
Et leurs chappeaulx tiennent des fleurs
Vray dieu qu’on trouve de coulleurs
Pour donner le bon ou l’assault
A celluy qui gaigne le hault
Soit qu’il ayt bien ou mal vescu
C’est grand cas qu’elle faict coquu
Le seigneur si subtillement
Qui ne l’apperçoit nullement
Esse pas tour de fine beste
Le dyable luy a faict la teste
Mener le temps à la raison
Telle qu’elle veult la saison
Le hault en bas precipiter
Et le bas en hault susciter
Prendre en l’air en mer et en terre
En paix en treves et en guerre
Commender aux dieux infernaulx
Pisser crosses mittres chappeaulx
Ordonner les chefs des batailles
Prendre emprunctz decimes et tailles
Et soubz coulleur de loyaulté
Faire telle desloyaulté
Qu’en dictz tu coquette ma seur
Un chapperon est il bien seur
Sur une teste si mal saige
Je ne treuve point bon presaige
Quant ung prince chef de Lyons
Ne faict son estat que de cons
Dieu nous vueille garder de pis
Et qu’ainsy n’en advienne au filz
Au dyable soit la ribauldaille
Croys tu point qu’une bataille
Ne reviendroyt à tant de fraiz
Que les ribauldes au tainct fraiz
Nous coustent en leurs paremens
Ilz ont achepté des passementz
Au lieu de payer les souldars
Mais qu’est devenu Loys d’Ars
Bayard le tendre La Palisse
Nous courons bravement en lice
Encores myeulx quant on nous chasse
Tout le monde va à la chasse
C’est pour courir le cerf qui pert
Le pere ne sçait pas qu’il pert
Que sa fille aussi accompaigne
Gardant aussi bien la Champaigne
Comme ilz ont gardé Parpignan
Le cardinal de Sainct Trignan
Vouldroit estre à la faculté
Ce n’est pas sans difficulté
De scavoir à combien il tint
L’autre an que le seigneur ne vint
S’esbatre ung peu de pardeça
Qui l’Allemaigne courrouça
Luy feit une moult belle planche [Faire la planche : servir de moyen, montrer le chemin aux autres (Di Stefano).]
C’est là à coup à la revenche
Au boys qui aura bonne beste
Qu’on laisse faire à ma requeste
Monsieur de Vendosme et le siens
Et qu’on ne leur espargne riens
S’ils ne font beau feu marché nul
Fortune avoit tourné le cul
Au preudhomme Longueval
Mais il a eu bien pour mal
Tel qui pinse s’en fut passé
La trasmontanne y a passé
Tout est bon qui est venu d’elle
N’y a il point une pucelle
En court qui ayt passé douze ans
À grand peine ces mesdisans
Ne deussent ilz pas avoir honte
Ilz veullent qu’on leur rende compte
De tant d’argent qu’on a pillé
Et disent qu’on en a baillé
Ung pauvre denier aux gens d’armes
N’esse pas assez que les dames
Les dyamans les pourphilhin/arees
Les macquereaulx masques dorees
Et ceulx qu’on veoit valloir le moins
Mais qu’ilz le saichent mettre en leurs mains
Or Coquette je n’en dis plus
Jouons à la paume et au flux
Laissons la ceste imperialité
Dys moy la cardinalité
Entre toutes la myeulx en point
Croys tu que l’on n’y fauldra point
Ouy à la nouvelle lune
Jehan Paicte mengea la prune
Le pauvre escossois feit le sault
Quoy qu’en dye maistre Jehan Thibault
Or garde le bec si tu veulx [Garder le bec : savoir se taire (Di Stefano).]
Scaiz tu qu’en disent ces resveus
Que si la court du tout ne change
Craindre debvons que Dieu ne vange
Tant d’oultraiges que on luy faict
Et en danger que le forfaict
Du pere ne nuyse aux enffans
Dieu les fasse aussi tryumphans
De bonnes meurs et empire ample
Comme ilz ont en maulvais exemple