Vie et mort du coq-à-l’âne

Une drôle d’épître. Coincé entre l’épître familière et la satire, le coq-à-l’âne est souvent perçu comme une curiosité, un brimborion au mieux ludique, au pire inconsistant, au milieu de la production poétique du XVI^e siècle. Texte crypté, dont on aurait perdu l’essentiel des clefs, il est convoqué en tant que témoin des imitations marotiques des années 1540, ou des violences pamphlétaires, en particulier celles autour de la ligue des années 1580. Son rayonnement est pourtant bien plus vaste. Née sous la plume de Clément Marot —dans des circonstances sur lesquelles il faudra bien revenir—, la forme est rapidement reprise par ses imitateurs (Beaulieu, Sainte-Marthe, Colet, La Tour d’Albenas…).

Dès 1956, Henri Meylan dans son étude fondatrice, Epîtres du coq-à-l’âne. Contribution à l’histoire de la satire au seizième siècle (1) a souligné la persistance de ce qui était devenu un genre à part entière, au-delà même de la mort de Marot. Sa lecture attentive des vers anonymes qui jalonnent le troisième quart du siècle suggère une cohérence du genre malgré les transformations qu’il connaît. En 1979, Charles Rieux dans une thèse non publiée (2) étend le corpus jusqu’au XVII^e siècle en quête des sources et des soubresauts d’un ensemble de pièces dont la plasticité est un des intérêts comme une des difficultés. Plus récemment, Guillaume Berthon et Raphaël Cappellen ont repris l’enquête et fourni un dossier nourri sur les coq-à-l’âne de la première décennie. Nous avons relevé à ce jour quatre-vingt-douze coq-à-l’âne entre 1530 et 1649, les derniers apparaissent —sous des intitulés variés— au sein de recueils factices de mazarinades. Qu’est-ce que les coq-à-l’âne peuvent aujourd’hui nous apprendre sur la production poétique de l’époque, sur leurs circuits de diffusion, et sur leurs modes de réception? Quels réseaux imaginaires mettent-ils en œuvre? Enfin quels liens entretiennent-ils avec la réalité historique?